Depuis 2011, les dépenses de l'INAMI pour les allocations de maladie ont grimpé de 5,4 à 6,8 milliards d'euros. Soit une augmentation de 25% en quatre ans. Entre 2009 et 2013, le nombre de personnes en incapacité de travail pour cause de troubles psychiques a progressé d'un pourcentage identique, pour atteindre 104.291 personnes. Durant la même période, les cas d'invalidité engendrés par des maladies du système ostéo-articulaire - telles que maux de dos et rhumatismes - ont augmenté de près de 20%, pour toucher 17.797 personnes.

Il est grand temps de lutter contre ces évolutions néfastes sur les plans sociétal et économique. Dans cette optique, il convient aussi d'être attentif aux besoins des entreprises. Pour que les grandes entreprises, les PME et les indépendants puissent bénéficier pleinement de l'amélioration de compétitivité découlant des mesures gouvernementales, il faut leur donner la possibilité de faire correspondre leur production à la demande. Les travailleurs actifs dans des entreprises rentables éprouvent de la satisfaction dans leur travail. Les restructurations et l'insécurité d'emploi constituent, à 72%, les principales causes de stress au travail.

“Panta Rhei”, tout passe. Cette formule d'Héraclite, qui date de 2.500 ans, est toujours d'actualité. Le climat change. Le monde change. L'économie mondiale change. Ces changements occasionnent incertitudes, craintes et même angoisses. Le progrès est réservé à ceux qui arrivent à s'adapter à temps aux nouvelles circonstances et aux nouveaux besoins. Le besoin de flexibilité se heurte au scepticisme. C'est un peu comme si la flexibilité était à sens unique. Mais il ne doit pas en être ainsi. Il ne peut en être ainsi. La flexibilité est une conséquence de la modernisation de la réglementation du travail, qui engendre une situation gagnant-gagnant pour les travailleurs et les employeurs: davantage de possibilités de combiner vie privée et vie professionnelle pour le travailleur et davantage d'opportunités de réagir aux attentes du marché pour l'employeur. Nous pouvons stimuler l'emploi en modernisant la durée de travail, les relations de travail et les postes de travail. Dans le même temps, nous nous devons d'inclure des sécurités, tant pour l'employeur que pour le travailleur. Nous devons mener ce débat de manière approfondie, en fonction du renforcement de notre prospérité, de notre tissu social et de notre bien-être. Dans un premier stade, nous nous focalisons sur 4 pistes:

1.       La cct 104. Cette cct relativement récente du CNT offre un cadre aux entreprises désireuses de mener une politique prenant en compte l'âge de leurs travailleurs. Il s'agit d'exemples de bonnes pratiques. Cet outil reste toutefois sous-utilisé. Pourtant, la cct permet une approche sur mesure. Et c'est précisément cette approche que nous visons: l'approche du travail sur mesure. Cela implique un dialogue social et un cadre souple sans obligation de rapportage supplémentaire. Nous examinons comment renforcer l'approche contenue dans la cct 104.

2.       Compte-carrière et épargne-carrière. Cette mesure figure dans l'accord de gouvernement. Cet instrument donne aux travailleurs salariés et aux fonctionnaires une vue d'ensemble de leurs droits au crédit-temps et à l'interruption de carrière. Mais, plus encore, l'instrument permet de gérer les droits existants de manière plus souple et plus transparente. Le travailleur peut épargner un nombre limité de jours, notamment les jours de congé extralégaux. Le travailleur et l'employeur peuvent alors convenir entre eux de prendre temporairement un peu moins de jours et d'en prendre davantage plus tard.

3.       Lutte contre le stress et le burn-out, et plans de prévention sectoriels. Outre l'insécurité d'emploi et les restructurations, les autres causes de stress au travail sont l'excès de travail, les comportements inacceptables tels que le harcèlement, le manque de soutien de la hiérarchie et des collègues, le manque de clarté dans les rôles et responsabilités, ainsi que l'absence d'autonomie dans la réalisation du travail.

Les plans de prévention sectoriels présentent une valeur ajoutée, en particulier la sécurité classique au travail. Les partenaires sociaux et l'inspection y fixent conjointement leurs priorités. L'inspection à un coût acceptable et sur mesure de leurs besoins et ceux de leurs travailleurs. Une réaction rapide est essentielle pour éviter que les travailleurs décrochent pour une longue durée, voire définitivement.

4.       Notons enfin le facteur temps. Pour les travailleurs salariés, les fonctionnaires et les indépendants, le "temps" est le principal facteur de stress. Comment tout combiner? Comment combiner un emploi intensif et une vie de famille? La direction d'une entreprise et une vie sociale? Une vie chargée d'indépendant et des tâches d'assistance hors du ménage? Naturellement, chacun pose ses propres choix de vie. Il faut néanmoins veiller à ce que les règles, et en particulier les règles relatives à la durée de travail, soient adaptées aux besoins des personnes, et non l'inverse.

Ce débat dépasse le cadre du débat sur la faisabilité du travail. Il faut prendre le temps d'étudier les aspirations des deux parties. Mais la nécessité d'agir est claire. Il est frappant de constater qu'à l'heure actuelle, les horaires de travail variables ne soient pas possibles; qu'ils soient seulement tolérés. Il est grand temps d'y apporter un changement pragmatique.

J'espère que nous pourrons, ensemble, développer une approche moderne, simple et transparente, qui fasse du travail soutenable une notion identifiable, salutaire et univoque.